L’entreprise philanthrope ? Une évidence pour Jean-Philippe Daull, le patron de Candor, qui pratique le mécénat sous toutes ses formes. Rencontre.

Giving tuesday« Je ne ferai jamais plus de trois repas par jour, et j’ai un toit sur ma tête » : Jean-Philippe Daull, 56 ans ne conçoit pas la vie comme une course à l’accumulation de richesse. Ancien cadre supérieur dans la restauration collective, il a longtemps travaillé à La Défense. Et puis, il y a neuf ans, changement de vie : il quitte le quartier d’affaires, et prend la tête d’une entreprise de propreté, Candor. Installé à Rouen, le PDG découvre un nouveau milieu.

« Les salariés de Candor sont des travailleurs pauvres », reconnait leur patron. Pas parce qu’il les paye mal, mais « parce que nos clients ne veulent pas les voir ». Les femmes de ménages passent avant l’ouverture et après la fermeture des locaux qu’elles entretiennent. Des journées morcelées, rarement des temps pleins. Et c’est ce temps partiel subi qui fait la pauvreté. Ni le large sourire de Jean-Philippe Daull, ni son regard franc n’y peuvent grand-chose. « En Scandinavie, 95% des professionnels du secteur travaillent en journée. En France c’est 5% », explique-t-il. Très impliqué dans la Fédération des entreprises de propreté, Jean-Philippe Daull a fait de Candor un ambassadeur du travail en journée pour évangéliser ses clients, pour qu’ils acceptent le nettoyage des bureaux pendant les heures de travail.

Impossible également d’augmenter les salaires : « Quand il y a un appel d’offre, le client reçoit 15 à 20 réponses. Et le prix est le critère qu’ils regardent en premier. Si j’augmente tous mes salariés de 5%, je mets la clef sous la porte ». Une équation insoluble.

La solution pour concilier ses valeurs avec la situation économique, Jean-Paul Daull la trouve dans le mécénat, qu’il pratique sous toutes ses formes. « Il y a des causes qui sont belles et justes. On a envie d’y participer. Ce qui me plait, c’est d’arriver à faire les choses autrement. Je n’ai pas toujours fait ça, reconnait-il. C’est venu avec l’âge et la maturité, et au contact des salariés de Candor. »

Lorsqu’il rencontre Alexis Hanquinquant, le triathlète handisport vient de perdre un sponsor. L’homme vise le podium aux Jeux Paralympiques de Tokyo. Jean-Philippe Daull décide de le suivre. Son entreprise sponsorise le sportif. « C’est quelqu’un d’exceptionnel, s’enthousiasme le PDG. Il lui manque une jambe, mais il est capable de courir 10 km en 30 minutes ».

Jean-Philippe DaullDu mécénat, il en fait maintenant tous azimut. Pour le Secours Populaire, c’est du mécénat de compétence : des salariés de Candor travaillent pour un prix défiant toute concurrence. L’entreprise offre par ailleurs des fournitures à une association qui vient en aide aux migrants : c’est du mécénat en nature, du papier toilette, des produits d’entretien. Et c’est du mécénat financier pour l’Opéra de Rouen. « Cela permet à mes salariés d’accéder à un lieu auquel ils s’interdisent peut-être d’aller », se réjouit le PDG. A chaque situation correspond une façon de donner, de participer, selon les besoins.

« La plupart du temps, il n’y a pas d’intérêt au mécénat. Cela ne nous rapporte rien : on ne communique jamais dessus », précise Jean-Philippe Daull. Mais il revendique une constante dans son engagement : l’inclusion. Et lorsqu’on lui demande si c’est le rôle d’une entreprise, il répond, surpris : « ben, oui… L’objectif d’une entreprise c’est de gagner de l’argent, mais une fois que les fondamentaux sont là, qu’est-ce que l’entreprise fait de cet argent ? Soit l’actionnaire prend sa part, et je ne juge pas, ou alors, on utilise l’entreprise pour faire des choses. Plein de chefs d’entreprises choisissent ainsi des causes qui correspondent à leurs valeurs. On est un acteur du territoire. »