Les grappes sont rares mais l’ambiance est bonne dans le vignoble Saint-Expédit.

Les raisins récoltés cette année dans le domaine Saint-Expédit sont des survivants ! Décimées par le gel tardif d’avril, les grappes rescapées ont vécu un été pourri, pour finir en septembre par subir les assauts des oiseaux assoiffés…
On saura dans quelques mois si 2021 est un cru de qualité. Mais on sait déjà que la production sera très faible, moins de 20% de la production espérée par Édouard Capron.
Malgré ces déboires climatiques, le viticulteur normand était heureux de réunir des amis et voisins de Freneuse pour les vendanges, fin septembre. Et même si les grappes étaient rares, l’ambiance était bonne dans les rangs. « Cultiver des vignes, produire du vin, c’est aussi le plaisir de se retrouver lors de ce genre d’occasions. »
Édouard Capron a planté ses premiers pieds de vigne en 2016 sur le coteau de Freneuse, notamment avec le soutien financier de la Métropole Rouen Normandie. Le sol calcaire, la mince couche d’humus et l’exposition plein sud offrent normalement des conditions idéales pour un vignoble. « La grande interrogation, c’était le climat. Les fruits allaient-ils mûrir ? En fait, il s’avère que le vrai problème, c’est la sécheresse ! J’ai dû arroser les jeunes plants ! »
Cette année 2021 pourrie mise à part, Édouard Capron est satisfait de la production de ses jeunes pieds. « Dès la première récolte, les fruits étaient d’une belle maturité, avec des taux de sucre excellents. Ça donne de beaux jus, des vins de qualité. J’essaie de faire le meilleur vin possible, qu’il ne ressemble à aucun un autre, qu’il ait sa personnalité. »
Chaque année, il agrandit son vignoble en plantant des centaines de ceps, en choisissant les cépages en fonction de son expérience grandissante. « Je partais plutôt sur du blanc sec, car on est dans le Nord de la France. Mais le rouge est très bien, le vin doux aussi. On regarde ce que la nature nous donne, et pas ce qu’on a choisi. Il faut accepter d’être bousculé. »
Alors que la viticulture est devenue son activité principale - « le but est d’en vivre » - Édouard Capron voit d’un bon œil les initiatives récentes visant à fédérer les vignerons normands. Du vin normand, et du bon, c’est possible. Son expérience personnelle, le réchauffement climatique et même l’histoire lui donnent raison. « Franchement, à la base, il n’y a aucune raison que le vignoble champenois soit meilleur que le nôtre… Mais en Champagne ils ont réussi à mieux en tirer profit pour proposer autre chose. » Une autre chose qui a fait le tour du monde et la renommée planétaire d’une région.
Et pourtant, la Normandie produisait beaucoup de vin au Moyen Âge, notamment pour abreuver la région parisienne. « En Normandie, à l’époque, on a fait le choix de cépages très productifs, sans chercher à se renouveler. On a choisi notre camp : la quantité plutôt que la qualité… Le climat s’est refroidi au 18e siècle, la Normandie n’a pas su évoluer et a disparu. » En repartant de zéro, sans complexe et avec des ambitions affirmées, des vignerons comme Édouard Capron œuvrent pour remettre la Normandie sur la carte des vins.