Le documentaire "Bigger than us"met en lumière sept jeunes activistes, dans le monde, qui se mobilisent pour la liberté d’expression, l’environnement, le droit des femmes, l’accès à l’éducation... souvent au péril de leur vie. Interview de Flore Vasseur, la réalisatrice de "Bigger than us".

Découvrez le film en avant-première, dimanche 19 septembre, à 17h30, au cinéma Kinepolis à Rouen.

FLORE VASSEUR

Qu’est-ce qui vous a incitée à faire ce film ?

L’envie de faire ce film est venu d’un double constat d’impuissance. Le premier concerne mon travail. Depuis 2006, j’écris des livres sur l’effondrement du monde dans lequel on est. Ce sont des romans mais j’essaie de décrypter le réel, le pouvoir de la finance, de la technologie, la collusion des élites... Pour préserver ma santé mentale, je dresse aussi le portrait d’activistes, entrepreneurs et lanceurs d’alerte. Ça me nourrit. En 2007, j’ai réalisé un travail sur Edward Snowden, un informaticien doué et patriote qui a très tôt rejoint les équipes de la CIA puis de la NSA. Il a découvert que les services de renseignements américains collectent massivement des données publiques comme privées sur les habitants de pays ennemis, mais aussi alliés, et pire encore, sur les citoyens américains. Ne pouvant plus vivre avec un tel secret, Snowden est devenu un lanceur d’alerte, et il a sacrifié sa vie personnelle et sa liberté pour tout dénoncer. Il est pour moi certainement la personne la plus avancée sur ces combats pour la sauvegarde de la démocratie. Je me rends compte que j’ai un plaisir fou à véhiculer sa parole et à partager mais que cela ne fait bouger personne. Au contraire, les gens me disent qu’il est extraordinaire mais qu’ils ne bougeront pas car ils ne sont pas Snowden. Or, moi ce que je veux, c’est faire bouger les lignes. Je veux que tout le monde ressente ce que j’ai ressenti depuis le 11 septembre 2001, à savoir une panique face au monde qu’on était en train de créer et au système capitaliste qui craquèle de toute part. En fait, je tire le fil qui, depuis le 11 septembre, ne m’a jamais quittée : qui gouverne, quelles sont les forces en présence et qui tient nos chaînes ?
Mon deuxième constat d’impuissance est arrivé à la même période, en 2016. Mon fils avait 7 ans à l’époque et il me dit "maman, ça veut dire quoi la planète va mourir ? " Même si je passe ma vie à décortiquer le système, à essayer de comprendre, je me rends compte que je suis incapable de me mettre à sa hauteur pour lui parler de son monde.

Pourquoi avoir choisi Melati comme héroïne et co-scénariste ?

Le même jour où mon fils m’a posé cette question sur la planète, je regarde une conférence de Melati et de sa soeur Isabel. Elles expliquent leur combat contre le plastique qui pollue et condamne leur île, Bali. À l’époque, elles avaient 14 et 16 ans. J’ai eu envie de les rencontrer et de faire un petit film pour mon fils pour qu’il comprenne qu’il y a des gens comme lui. Je pars donc en Indonésie pour rencontrer Melati et Isabel. Là, je tombe à la renverse. Non seulement elles ont des réponses pour mon fils mais elles ont aussi des réponses pour nous. Dans ce corps de jeune fille, je vois toute la sagesse, l’audace, la colère, toute l’envie de vivre d’un Snowden ou de ces entrepreneurs, de ces visionnaires que j’ai pu croiser précédemment.

 

 

 

Pouvez-vous nous raconter des moments marquants du tournage ?

Le tournage a été un tourbillon d’émotions. J’étais partie pour faire un film de combattants, de dureté, sur le sang, les larmes, les pleurs et la sueur de ces jeunes sur les lignes de front. Et ce que j’ai trouvé, en réalité, c’est la beauté et surtout la joie. Ces émotions ne me quittent pas et elles me portent.

Que vous a apporté cette expérience auprès de ces jeunes très engagés ?

L’expérience de la joie, de la tendresse pour l’autre. Ça m’a rappelé mon âme d’enfant dans ce qu’elle a de plus pur. Les premières questions d’enfants sont "Pourquoi ?" et "C’est pas juste". Très vite, l’éducation des parents, l’école, la société viennent mettre un couvercle sur ces questions. Pour moi, ces questions sont là tout le temps. Ces sept jeunes - Melati, Winnie, Mary, Memory, Rene, Mohamad et Xiuhtezcatl - n’ont jamais négocié avec ces questions. Ils passent leur temps à se demander "Pourquoi" et à dire "C’est pas juste" et ils agissent en fonction. C’est ce que Melati dit à la fin " être inscrit dans quelque chose de plus grand que nous". C’est ce qu’ils font tous. Ils sont engagés dans quelque chose qui les dépasse. C’est cette âme d’enfant qui a été réveillée chez moi par ces jeunes activistes.

Qu’est-ce que vos enfants ont pensé du film ?

Ils ont trouvé des réponses à leurs questions. Mon fils est à l’origine du film. Ma fille, qui a trois ans de plus, m’a dit : "oui, il y a un film et maintenant, quoi ?" Elle m’a vraiment encouragée à réfléchir à une stratégie d’impact très en amont pour donner envie de s’engager. Derrière notre espoir de susciter une vive émotion, il fallait proposer des choses aux personnes touchées.

 

      

 

Que souhaitez-vous transmettre à travers ce film ?

On ne peut pas faire un film comme ça et laisser les gens ensuite. On a donc créé le site internet biggerthanus.film dans lequel on retrouve énormément d’images, de chiffres, nos recherches, des photos, un making of, un podcast de sept épisodes et du contenu exclusif. Tout cela est gratuit et en libre accès. Le site donne aussi la possibilité de rejoindre la communauté qui va peut-être émerger du film pour répondre à cette question "qu’est-ce qu’on fait maintenant". L’autre volet du site c’est "Agir". On n’est pas tous au même niveau face à l’engagement. Certains découvrent, d’autres n’ont pas envie ou sont déjà engagés. Pour toutes ces personnes, on a créé des parcours pour passer de l’idée à l’engagement, avec une quarantaine d’associations partenaires qui proposent des actions concrètes. On sait depuis le début qu’on voulait faire plus qu’un film. On l’a toujours vécu comme ça. Depuis le premier jour, on raconte ce qu’on vit. On a mis en place des débriefings pour le public à chaque retour de tournage. Tout cela était gratuit. Le public posait des questions. Quiconque veut rejoindre cette communauté a les possibilités de le faire. C’est une aventure collective. Entre l’équipe de tournage et les sept jeunes, nous sommes tous très soudés. Nous nous attachons à véhiculer avec soin leurs messages. Il y a une chose qui est sûre c’est qu’on ne va pas s’arrêter !

Séance en avant-première de "Bigger than us" suivie d’un débat avec la réalisatrice et trois jeunes acteurs.
Dimanche 19 septembre à 17h30 au cinéma Kinepolis à Rouen.

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